Type : MANUSCRIT 

Source: Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Latin 9474. 

🪶 En 1508, Anne de Bretagne, duchesse de Bretagne et deux fois reine de France, commande un manuscrit monumental : les Grandes Heures. Ce livre de prières n’était pas seulement un outil de dévotion, mais aussi un véritable trésor artistique et scientifique.

📚 Dans ses marges richement illustrées, les artistes ont peint avec une précision étonnante des dizaines de plantes, fleurs et animaux, reflétant le savoir botanique et la curiosité encyclopédique de la Renaissance. Et parmi ces représentations, deux sont particulièrement frappantes : le cannabis. On y voit clairement distingués le chanvre mâle et le chanvre femelle, désignés comme tels dans les légendes. Le mâle, élancé, porte ses fleurs fines en panicules aériennes, tandis que la femelle, robuste, montre des inflorescences denses et chargées de graines. Cette distinction révèle une connaissance approfondie de la plante, bien avant que la botanique moderne n’en codifie l’étude.

🛶 À l’époque d’Anne de Bretagne, le cannabis, ou chanvre, faisait partie intégrante de la vie quotidienne. Ses fibres servaient à fabriquer tissus, cordages, voiles et filets, autant d’éléments essentiels à l’économie et surtout à la puissance navale de l’Europe. Ses graines, riches en huile, nourrissaient hommes et animaux, et fournissaient également un combustible et une base pour certains usages artisanaux. Quant à ses propriétés médicinales, elles étaient déjà connues et exploitées, notamment pour apaiser la douleur ou calmer les inflammations. En d’autres termes, le cannabis n’était pas une curiosité : c’était une ressource fondamentale, cultivée partout, familière et indispensable.

🍀 Que cette plante apparaisse dans un manuscrit royal de dévotion n’a rien d’anodin. Cela montre qu’elle était perçue comme un élément légitime de la création divine, digne d’être représentée parmi les autres dons de la nature. Pour Anne de Bretagne, ce n’était pas une plante marginale, mais une évidence, au même titre que le blé, le lin ou la vigne. Dans les enluminures, on ne cherche pas à l’exotiser ou à la stigmatiser : on la peint telle qu’elle est, reconnaissable, utile, présente dans les champs et les foyers

🌍 Ces images nous rappellent une vérité souvent oubliée : au début du XVIᵉ siècle, le cannabis faisait partie du paysage matériel et spirituel de l’Europe. On savait distinguer ses formes mâle et femelle, on connaissait ses usages multiples, on le voyait comme une ressource vitale. Le fait que son image figure dans un livre commandé par une reine est une preuve éclatante de cette normalité. À travers ces pages, c’est tout un rapport au monde que l’on redécouvre : celui d’un temps où le cannabis n’était pas un sujet de débat, mais simplement une plante essentielle, pleinement intégrée au quotidien, du champ agricole jusqu’au manuscrit royal.

Légende 1 : Armoiries d’Anne de Bretagne, enluminées par Jean Bourdichon.

Légende 2 : Chanvre femelle, Marge botanique extraite des Grandes Heures d’Anne de Bretagne. La plante est représentée avec ses inflorescences exemptes de graines, caractéristiques du cannabis femelle. Le texte au centre de la page est une prière liturgique. 

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